Histoire du monument

À la fin du XVIe siècle déjà, Brantôme, le chroniqueur de la cour des Valois, s'étonnait qu'on ne parlât plus guère des hauts faits de « monsieur le grand escuyer Galiot ». C'est dire si, trois siècles plus tard, l'utilisation des ruines du somptueux château de Galiot comme grange à fourrage ne provoquait aucun émoi. Pourtant, l'aile occidentale de ce qui fut au XVIe siècle, toujours selon Brantôme, « la plus superbe maison de France qu'on scauroit voir », avait été classée au titre des monuments historiques dès 1841 par un certain Prosper Mérimée.

 
Quelle était donc cette personnalité que l'historien Brantôme donnait de toute évidence comme l'un des plus éminents personnages de son temps, commanditaire d'une demeure d'une qualité telle qu'elle ne connaissait pas de rivale au royaume de France ? Jacques Ricard de Gourdon de Genouillac (1465-1546), dit Galiot du nom d'un des chevaliers de la Table ronde, appartenait à la petite noblesse provinciale.

Son ascension sociale, sans être rare pour l'époque, reste malgré tout exceptionnelle dans la durée. Page de Louis XI, introduit à la cour par son oncle capitaine général des armées du roi, il occupe très vite des fonctions militaires de haute importance: capitaine de 25 lances (qui se monteront plus tard à 50, 60 et jusqu'à 100 en 1536) et de nombreuses places-fortes, engagé dans de multiples opérations aux côtés de Charles VIII, puis de Louis XII, il obtient en 1512 la charge de maître et capitaine général de l'artillerie. C'est à lui que François 1er doit la victoire de Marignan comme l'écrit le roi lui-même à sa mère Louise de Savoie.

Dès 1517, il est chevalier de l'ordre de Saint-Michel et, deux ans plus tard, sénéchal du Quercy. Consécration ultime, il est fait grand écuyer de France en 1526. Ses lourdes charges militaires et administratives, ses engagements réels en campagne, ne l'empêchent pas pour autant de gérer avec rigueur ses affaires. Ami de Guillaume Budé, il est aussi homme d'une grande culture, amateur d'art, de livres précieux et grand bâtisseur.

 

Au début du XVIe siècle, Galiot ne dispose à Assier que de la « tour del Sal », part de ce castrum héritée de sa mère Catherine du Bosc. Son ambitieux projet prendra corps au fil des années, à l'issue d'âpres négociations menées jusqu'en 1534 afin d'acquérir l'ensemble des terres composant la seigneurie d'Assier.

La construction sera donc menée en plusieurs campagnes, selon l'état des acquisitions. Dans les années 1510, seule une petite parcelle est constructible, entre le sud et l'est de la tour du castrum: c'est donc à cet emplacement que Galiot fait élever une première tour d'angle massive et une partie de l'aile sud. Le caractère encore gothique de certains éléments en place, culots, nervures de voûtes, permet de dater ce premier chantier.

La pénétration des modèles architecturaux du Val de Loire est cependant rapide. L'évolution de la construction est sensible dans la continuité de l'aile sud, élevée lorsque Galiot est maître de l'artillerie, à partir de 1512. Le plan définitif du château forme un quadrilatère cantonné de tours rondes coiffées de dômes à l'impériale, dont le modèle connaîtra une grande fortune bien au-delà du Quercy.

Une galerie à portique, voûtée de dalles de pierre, relie l'aile d'entrée à la chapelle située au nord-est et à l'aile est dont les niveaux sont desservis par un grand escalier droit rampe sur rampe. Cet immense chantier s'achève entre 1535 et 1540 par l'élevation d'une entrée triomphale, avec la statue cavalière du maître des lieux et l'utilisation savante des ordres antiques, ionique et corinthien.

Toute l'envergure du personnage s'exprime dans la continuité du décor entièrement dévolu à la gloire de Galiot. Emblèmes personnels, armoiries des Gourdon, boulets aux trois flammèches, cohabitent avec les attributs du maître de l'artillerie, couleuvrines, triangles d'artillerie, trophées d'armes, avec, à partir de 1526, la marque de sa charge suprême, l'épée du grand écuyer et son fourreau fleurdelisé.

S'y ajoutent les allégories sur le thème de la Fortune, la devise « J'ayme fort une », les symboles empruntés à l'iconographique antique tels le phœnix et, surtout, la présence de représentations du mythe d'Hercule, auquel s'assimile Galiot, reprenant à son profit l'image largement utilisée par l'entourage de François 1er, « l'Hercule françois ». Ce thème revêt une telle importance pour Galiot qu'il possède même une tapisserie à ses armes, montrant comme dans l'un des bas-reliefs la façade sur cour Hercule enfant étouffant les serpents envoyés par Junon, pièce connue par un dessin du XVIIe siècle, peut-être d'une tenture complète consacrée à ce sujet.

Il faut citer encore dans le décor d’Assier la présence, sur la façade de l’aile d’honneur, de bustes à l’antique, donc certains en terre émaillée attribués à l’artiste italien Girolamo della Robbia, sculpteur au service de François 1er sur les grands chantiers des châteaux de Madrid et de Fontainebleau notamment.

Élément majeur de l'architecture Renaissance entre 1510 et 1540, véritable chantier stylistique où s'élaborent les grands principes qui conduisent de la première Renaissance à la Renaissance classique, avec l'évolution de l'organisation des façades, de l'utilisation des motifs décoratifs à l'antique qui structurent progressivement l'élévation, le château d'Assier a bien failli connaître le sort d'autres grandes demeures du XVIe siècle, les châteaux de Bury, Bonnivet, Madrid, du Verger par exemple.

 

En 1768, le duc d'Uzès, descendant de Jeanne de Genouillac, fille de Galiot et de sa première épouse Catherine d'Archiac, mit en vente trois des quatre ailes, à charge pour les acquéreurs de récupérer pierres, métaux, bois de charpente, planchers. La destruction de ce chef d'œuvre ne fut donc pas complète et l'aile subsistante, cédée en 1788 à la famille Murat de Montaï, servit pendant plus d'un siècle de grange à fourrage.

 

En 1934, l'État se porta acquéreur de la ruine, après y avoir mené dès le début du siècle d'importants travaux de sauvegarde.

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